OSONS ANNONCER !
Comment les parcours sont-ils nés ? Entretien avec l'initiateur des parcours
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Au début des années 2010, les prêtres de ma paroisse me proposent de lancer un parcours Alpha. Le parcours fonctionne bien ; il réunit une assemblée joyeuse, étonnée de vivre ensemble cette joie à annoncer l’évangile. Avec l’équipe d’animation, nous découvrons avec surprise que c’est possible aujourd’hui d’évangéliser. Cela nous rend heureux, nous réoriente sur l’essentiel de notre vie et lui donne ainsi plus de saveur. Je cherche à proposer une suite au parcours. En décembre 2013, apparaît l’exhortation « La Joie de l’Evangile» du Pape François. Ce texte est une révélation pour moi. Le Pape y parle, de la joie de l’évangile et de celle de l’évangélisation. Il va plus loin, il ajoute en parlant en lieu et place de chaque chrétien « Je suis une mission sur cette terre et c'est pour pour cela que je suis dans le monde » ; et il précise « La mission au cœur du peuple n’est ni une partie de ma vie [...] ni un moment de l’existence, elle est quelque chose que je ne peux pas arracher à mon être si je ne veux pas me détruire » (exhort 273).
Je propose d’abord la démarche en paroisse en y lançant le parcours « La joie de l’Evangile », puis sollicité par des directeurs de collège et lycée, je la propose dans les établissements scolaires. Je sens là une terre étonnamment propice. Les jeunes sont très perméables et réceptifs à la remise en cause personnelle, à l’appel à la mission. « Tout le peuple annonce l’Evangile » écrit le Pape. « Ah bon, je croyais que ce n’était que les curés et le Pape » réagit Amaury, 15 ans. Mais dès qu’il comprend que, non, pas du tout, cela le concerne lui aussi ici et maintenant, il s’engage aussitôt à préparer les 9/10 ans de sa paroisse à leur première communion et à leur dire le Christ !
Ce qu’affirme le Pape est en fait très exigeant ! Il existe une marche incontournable à ne pas éviter : « Il ne peut y avoir de véritable évangélisation sans annonce explicite que Jésus est le Seigneur et sans qu’il n’existe un primat de l’annonce de Jésus Christ dans toute activité d’évangélisation » (exhort XXX). Le Pape revient incessamment sur ce point, sur la primauté de l’annonce du kérygme ou première annonce. Le Pape se situe ainsi dans la ligne de ses prédécesseurs et du concile Vatican II. Jean Paul II nous exhortait déjà en ce sens quand il proclamait « N’ayez pas peur ! ». Dans le monde actuel, il est très difficile d’annoncer directement le Christ. Sans son aide concrète et celle de l’Esprit Saint, c'est mission impossible.
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Bien sûr, il peut y avoir des rejets, chacun est libre, il y en avait du temps des actes des apôtres. Mais les rejets des parcours sont étonnamment peu nombreux. Plus que le rejet éventuel des jeunes, le problème se situe au niveau des adultes, qui ne se sentent pas véritablement concernés.
Dans nos parcours, nous annonçons de manière explicite que le Christ est notre Seigneur, ici et maintenant, qu’Il nous aime. Nous le faisons quelquefois de manière timide, maladroite et empruntée. Beaucoup de jeunes, qu’ils soient chrétiens ou non, sont interpellés et marqués par cette annonce. Il y a alors chez eux un mouvement du type « Enfin ! vous osez être clairs et déclarer sans masque votre identité : c’est libérant ! ».
Notre Père est le roi du ciel et de la terre, notre héritage est le ciel si nous ne le rejetons pas. Jésus nous recommande la belle prière du Notre Père. Celle-ci, dans sa première partie, est très centrée sur la mission. Notre démarche est, que ce que nous demandons au Père dans cette prière advienne concrètement ici et maintenant dans les établissements scolaires :
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"que le nom du Père soit sanctifié" : que son nom soit présenté comme Saint aux jeunes de manière explicite !
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"que son règne arrive" : qu'il soit énoncé explicitement dans nos parcours !
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"que sa volonté soit faite" : que chacun sache qu'il a une mission sur cette terre, que cette mission correspond à la volonté du Père !
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​« Pourquoi ne pas rentrer dans ce fleuve de joie ? » écrit le Pape François (exhort xxx). Pourquoi nous refuserions-nous cette joie puisque c’est possible aujourd’hui de la vivre ?
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UNE ANECDOTE...
Au début des années 2010, pour animer les parcours Alpha, nous suivons un week-end de formation avec une veillée de prière le samedi soir. Lors de cette soirée, il est proposé à chacun la prière des frères, c'est à dire de rejoindre un binôme de chrétiens qui prie pour nous. N'étant pas très à l'aise avec cette proposition, je décide de l'éviter.
Néanmoins, devant moi un binôme se libère. J’hésite, je renâcle, je décide finalement d’y aller à contre cœur. Je suis face aux priants, ce sont deux jeunes femmes africaines, je ne suis pas bien, j’exprime sans doute mon inconfort. Très rapidement l’une des deux m’interrompt pour me dire à haute voix, d’une voix de stentor qui porte loin, presque me semble-t-il en hurlant « Demande pardon à Jésus… ». Là, je panique, nous étions des centaines, j’ai l’impression que toute l’assemblée va savoir en même temps que moi de quoi je dois demander pardon à Jésus. J’ai envie de dire, lâchement, à ma priante « Je suis prêt à demander pardon à Jésus de tout ce que tu veux ! Mais, parle moins fort s’il te plait ! ».
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La phrase complète de la priante sera « Demande pardon à Jésus de ne pas t’aimer assez ! ». C'est vrai que nous sommes dignes d'être aimés, que nous sommes sel de la terre et lumière du monde, que c'est notre vocation, notre mission d'en prendre conscience, de le manifester et que nous ne le faisons pas assez.
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Cela a été pour moi un choc et un point de départ. Je ne savais pas qu’il fallait que je me confesse de ne pas m’aimer assez ! J’ai essayé depuis de m’aimer davantage. C’est difficile, et d’oser plus dire que j’aime le Seigneur et qu’il est important dans ma vie.
Il est possible que sans cette interpellation je n’aurais pas osé lancer les parcours. Notre démarche « La joie de l’Evangile » est aussi une façon d’oser croire et assumer que Jésus nous aime et que c’est une grande chance pour nous !
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Benoit Chareton, fondateur des parcours